Voici les lignes que j’écrivais à 16 ans, minée par une scolarité pénible. Elève brillante, j’ai en effet subi la persécution de mes camarades, de la primaire à la fin du lycée.
S’il n’est pas dans mes habitudes de partager mes expériences personnelles, il s’agit ici d’évoquer quelques points qui ont trouvé un écho dans mes recherches en littérature et en histoire de l’art.
L’expérience de la souffrance à l’école est malheureusement trop commune de nos jours. Toutefois, ce ne sont pas les vexations qui sont les plus violentes, mais leur négation. Autrement dit quand les acteurs, mais aussi les témoins, refusent de reconnaître à autrui son droit à la souffrance.
Mes camarades, s’ils se sont en effet complu dans l’expression de ma douleur (toute en mutisme et en retenue), ont également systématiquement occulté la violence et l’abjection des humiliations imposées.
Cette complicité passive, voire parfois cette délectation silencieuse et à demi consciente, sont extrêmement nocifs, a fortiori lorsqu’ils proviennent non seulement de ses « ennemis », mais surtout de ses « amis ».
Il n’est pire chagrin que celui qui reste méconnu.
Des années plus tard, au cours de mes études supérieures, je me suis intéressée à la thématique de la disparition du visage dans l’art du portrait au 20ème siècle. J’y consacre une série d’articles intitulée « L’art du portrait : le visage en question« , à découvrir ici.
Nous le verrons, le visage disparaît parce qu’il n’est pas regardé. Il peut-être disséqué, « scanné », comme on dirait aujourd’hui. Mais regarder implique une intention émotionnelle. Il s’agit de se représenter dans l’autre, de reconnaître une âme à autrui.
Le déni du visage, poussé à l’extrême, entraîne des actes aussi monstrueux que la Shoah. A ce propos, l’étude du philosophe Emmanuel Lévinas m’a été très précieuse. Dans Humanisme de l’autre homme ou encore dans Totalité et infini, l’auteur nous donne à comprendre que regarder un visage, le « rencontrer », c’est devenir responsable de la sensibilité d’autrui, de « sa misère ».
De nombreux artistes ont évoqué le lent effondrement de l’être dans le néant. L’un des plus poignants est pour moi le poète Rainer Maria Rilke, que j’ai déjà cité dans mon article « De ton visage qui s’achève ». Ses vers font écho à l’œuvre de la photographe Francesca Woodman, que je vous invite à (re)découvrir en lisant l’article « Car je suis en train de me dissoudre ».
En attendant de prochains billets sur le thème de la disparition du visage dans l’art, je partage pour finir quelques écrits et œuvres de ma « période noire », quand, à 16 ans, je cherchais un exutoire à mon tourment.
Ce faisant je revendique mon droit à la souffrance. Mais je termine aussi sur une note d’intense espoir : on peut toujours s’en sortir. C’est ce qui m’est arrivé. On m’a aidée. J’ai changé, grandi, tellement grandi. Je suis très fière.
Oui on peut s’en sortir et réussir de belles choses. Continue : ton blog est passionnant. Bravo.
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Merci beaucoup, ton avis m’est très précieux. 🙂
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Magnifique article ! Autant par le choix des images que par le choix des mots. Que de poésie pour un sujet extrêmement rude…
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Merci, ton appréciation me fait grand plaisir 🙂
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Ton article est émouvant, assez triste quand même, et en même temps pousse à la réflexion. Tes futurs billets m’intéressent d’ores et déjà!
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Merci, j’espère qu’ils te plairont !
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