L’épouse de bois

Aujourd’hui, au détour d’un méandre de la Labyrinthèque, je vous propose de découvrir un livre étonnant, où la puissance et la magie de la nature sont célébrées.

L’épouse de Bois de Terri Windling raconte l’histoire de la poétesse Maggie Black, débarquée dans les Rincons en Arizona, où elle hérite de la maison d’un confrère poète. Là, elle y découvre la vie dans le désert, ses habitants, humains mais aussi esprits de l’eau, de la nuit, des arbres ou encore du vent…

Brian Froud, Elfin Knight, 1976

Brian Froud, Elfin Knight, 1976

Loin d’une vision lumineuse, Terri Windling en appelle aux mythes chamaniques amérindiens et dépeint des êtres sombres, aux préoccupations étrangères à l’humanité. Tantôt curieuses, tantôt cruelles, ces créatures fascinantes sont à jamais inquiétantes.

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Liste de Noël

Voici quelques suggestions de cadeaux de Noël pour les amateurs de littérature et d’art. Je vous livre ici, en toute subjectivité, mes livres préférés :

Histoire de l’art & esthétique :

Une sélection de catalogues d’expositions et d’ouvrages d’histoire de l’art édités depuis déjà quelques temps… mais de vraies pépites !

  • Babel : catalogue de la fantastique exposition du Palais des Beaux-Arts de Lille. Les analyses textuelles sont extrêmement bien senties. Le parallèle entre art contemporain et oeuvres plus anciennes, entre conceptions de la civilisation d’hier et d’aujourd’hui, est captivant. Les oeuvres choisies sont par ailleurs de grande qualité.

    Wolfe von Lenkiewicz, Babel, 2010

    Wolfe von Lenkiewicz, Babel, 2010

  • Le Chant du monde. L’art de l’Iran safavide. Une invitation poétique, illustrée de magnifiques oeuvres d’art (enluminures, céramiques, arts du métal), à découvrir l’art, mais aussi la mythologie et les us du monde islamique du 16ème au 18ème siècle.
  • Ingres et les modernes : où l’on comprend comment est regardé Ingres depuis le 19ème siècle, et l’apport considérable que son art a constitué pour le développement de la modernité artistique.

    Kathleen Gilje, Comtesse d'Haussonville, Restored, 1994-1996, collection privée

    Kathleen Gilje, Comtesse d’Haussonville, Restored, 1994-1996, collection privée

  • Art et artistes de la modernité : des textes extrêmement pointus, idéaux pour aborder la notion de modernité en art et en comprendre les enjeux et les aboutissants.
  • Castiglione, peintre jésuite à la cour de Chine. Une découverte surprenante, ce livre très bien documenté se lit presque comme un roman. L’art de Castiglione, ce peintre missionné en Chine, témoigne de sa double culture sino-européenne, fascinant !

    Castiglione, Qazaq présentant en tribut leurs chevaux à l'empereur Qianlong, 1757, Paris, Musée Guimet

    Castiglione, Qazaq présentant en tribut leurs chevaux à l’empereur Qianlong, 1757, Paris, Musée Guimet

  • Regards sur l’Europe. L’Europe et la peinture allemande du XIXè siècle. De magnifiques images, notamment de Richter, Dahl, Friedrich….
  • Et pour terminer, Histoire de la laideur, dirigé par Umberto Eco : une plongée dans l’histoire des idées à travers une superbe compilation de textes, magnifiquement illustrée de chefs d’œuvre de l’histoire de l’art. Vous y trouverez des morceaux absolument truculents, que j’ai déjà cités dans « Comme une merde au soleil« 

Poésie :

  • Jacques Prévert, Imaginaires : j’ai déjà parlé de la cocasserie et de l’inventivité des poèmes comme des collages de Prévert ici.

    Jacques Prévert, collage

    Jacques Prévert, collage

  • Rainer Maria Rilke, Poèmes à la nuit : des poèmes profonds, sombres, pour faire vibrer jusqu’au néant du désespoir…
  • Apollinaire, Calligrammes : de l’apport de l’image au texte et vice-versa… des morceaux dont la simplicité fonde la beauté.
  • Difficile de ne pas recommander Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire : des textes tantôt sulfureux, tantôt émouvants. L’alchimie des mots est magique.

Pour les cadeaux, pensez aux nombreuses éditions illustrées par des artistes !

Théâtre :

  • Oscar Wilde, L’importance d’être constant : la plus drôle, la plus « nonsense », bref la plus « english » de toutes les pièces de théâtre. Énorme à lire autant qu’à voir sur scène.

Littérature :

Outre les oeuvres incontournables de la littérature, voici quelques perles à dévorer sans hésiter :

  • Anonyme, Le roman de Renart : je vous en ai déjà parlé, le roman est croquignolesque à souhait ! Un cadeau original et truffé d’humour et de rebondissements.

    Renart tapisserie dame licorne

    Tapisserie de la dame à la licorne, le Goût (détail) – Vers 1500 – Musée de Cluny

  • Asimov, Isaac, Cycle de Fondation : mieux que le cycle des Robots, Fondation est palpitant. Interrogez Internet et vous verrez…
  • Barjavel, René, l’Enchanteur : pour découvrir un Merlin l’enchanteur ultra-original, capable de faire apparaître non pas une corne d’abondance, mais une armoire pleine de boîtes de conserves… en plein Moyen-Age.
  • Cervantes, Miguel, L’ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche : un autre roman pour rire tout en se cultivant, avec un écriture qui vous emporte d’un bout à l’autre de ce pavé !

    Honoré Daumier - Don Quichotte et Sancho Pansa - 1866/68 - Nationalgalerie, Berlin

    Honoré Daumier – Don Quichotte et Sancho Pansa – 1866/68 – Nationalgalerie, Berlin

  • Gautier, Théophile, Le roman de la momie : pour voyager en Egypte et se replonger dans l’histoire habilement romancée de Moïse, sous l’angle de vue original de l’épouse du pharaon…
  • Herbert, Frank, Dune : du sable et des intrigues. Un univers extraordinairement riche, différent, crédible. Incontournable pour tout amateur de science-fiction.
  • Leroux, Gaston, le fantôme de l’opéra / le secret de la boîte à thé / le Roi mystère : ou tout autre roman de Gaston Leroux ! Feuilletoniste du début du 20ème siècle, ses intrigues, entre policier, thriller, espionnage, rebondissements amoureux, vous happeront totalement. Nuits blanches garanties !
  • Lovecraft, H.P., La quête onirique de Kadath l’inconnue : un très joli voyage dans le monde des rêves, où l’on retrouve l’univers mythologique foisonnant de Lovecraft. Avec une pincée d’adrénaline !

    Nicolas Fructus, Kadath, 2010

    Nicolas Fructus, Kadath, 2010

  • Maalouf, Amin, le périple de Baldassare : un marchand cultivé part sur les traces d’un livre mystérieux… De Samarcande à Gênes, de Chio à Londres, un voyage qui vous fera découvrir des contrées fabuleuses, des personnages aux mœurs bigarrées, des croyances riches et énigmatiques…
  • Sue, Eugène, Les mystères de Paris : avec Gaston Leroux, le meilleur feuilletoniste, et peut-être le meilleur auteur de tous les temps. Dans la veine du Comte de Monte-Christo ou des Misérables, un grand roman d’aventure, avec des personnages forts, aux caractères vrais, et des intrigues qui vous feront dresser les cheveux sur la tête et veiller jusqu’au petit matin, rivé au livre…

N’hésitez pas à relire mes autres chroniques littéraires pour plus d’idées de livres !

« De ton visage qui s’achève »

Eugène Carrière, Autoportrait, vers 1901, Strasbourg, Musée d'Art Moderne et Contemporain

Eugène Carrière, Autoportrait, vers 1901, Strasbourg, Musée d’Art Moderne et Contemporain

Évanescence, effacement, pâleur, dilution, brouillage… autant de solutions picturales pour traduire le fantomatique.

Henri Michaux. Sans titre. 1949

Henri Michaux. Sans titre. 1949

Etre mystérieux et inquiétant chez Serafino Macchiati, Paul Gauguin, Henri Michaux ou Léon Spilliaert, le revenant est aussi une trouble émanation de notre propre inconscient, que nous proposent en miroir les portraits de Miquel Barcelo, Zoran Music, Gerhardt Richter ou encore Eugène Carrière…

Serafino Macchiati, Le Visionnaire, 1904, Paris, Musée d'Orsay

Serafino Macchiati, Le Visionnaire, 1904, Paris, Musée d’Orsay

Paul Gauguin, Figure spectrale portant la main à son front ou Madame la Mort, 1890, Paris, Musée d'Orsay

Paul Gauguin, Figure spectrale portant la main à son front ou Madame la Mort, 1890, Paris, Musée d’Orsay

Léon Spilliaert, Le couple, vers 1902, Bruxelles, Musées royaux des Beaux Arts de Belgique

Léon Spilliaert, Le couple, vers 1902, Bruxelles, Musées royaux des Beaux Arts de Belgique

La dialectique de l’apparition/disparition se comprend différemment selon la sensibilité des artistes : Zoran Music, rescapé des camps de la mort, traduit sa vision de l’humanité mise en péril ; Gerhart Richter substitue au personnage le flou comme sujet de la peinture (flou matriciel, riche de toutes les possibilités de l’imaginaire) ; Eugène Carrière étale la matière et diffuse ses personnages dans la toile afin de créer une atmosphère d’intimité telle que la produit le souvenir.

Miquel Barcelo, Autoretrat Fumat, 2010

Miquel Barcelo, Autoretrat Fumat, 2010

Zoran Music, Autoportrait, 1990, Collection Robert et Lisa Sainsbury

Zoran Music, Autoportrait, 1990, Collection Robert et Lisa Sainsbury

Louis LeBrocquy, Study of Self, 1994

Louis LeBrocquy, Study of Self, 1994

Gerhart Richter, Portrait de Dieter Kreutz, Kunstsammlung aus nordrhein-westfalen, Aachen

Gerhart Richter, Portrait de Dieter Kreutz, Kunstsammlung aus nordrhein-westfalen, Aachen

En photographie, on citera le travail incontournable de Francesca Woodman, à laquelle j’ai déjà consacré un article, à relire ici.

Francesca Woodman

Francesca Woodman – House#3, Rhode Island – 1975-1976

Mais peut-on également sculpter un fantôme ? Quels effets de matière pour traduire l’immatérialité ?

Medardo Rosso propose des figures à la limite de l’apparition, encore prises dans la gangue de matière inerte dont elles sont issues. Ses personnages « vibrent » ainsi à travers la matière en gestation, et présentent une vitalité qui se dérobe sans cesse.

Medardo Rosso, Ecce Puer, 1906

Medardo Rosso, Ecce Puer, 1906

Enfin quel meilleur médium pour traduire l’opalescence et la fragilité du fantôme que le verre ? Karen LaMonte le manie à merveille. L’artiste fait entièrement disparaître le corps, ne laissant que le vêtement encore gonflé des formes de la chair. Le vêtement comme lambeau d’être prend alors son autonomie. Il est peut-être bien plus que le substitut d’un corps disparu…

Karen LaMonte, Dress with Shawl, 2004, verre

Karen LaMonte, Dress with Shawl, 2004, verre

Enfin, clin d’œil aux très nombreuses représentations – artistiques, littéraires, cinématographiques – du fantôme se manifestant à travers un miroir, l’oeuvre Lark Mirror, Hysteria, fait aussi appel aux théories de l’hystérie et du délire de persécution, développées dès la fin du XIXème siècle.

Karen LaMonte, Lark Mirror - Hysteria, 2008, verre

Karen LaMonte, Lark Mirror – Hysteria, 2008, verre

Le reflet de jeune femme à la fois séductrice, énigmatique et inquiétante, serait donc la manifestation d’une hallucination… la nôtre ? A moins qu’ « ON » ne nous guette vraiment… Et le spectateur face à cette œuvre ne manquera pas de ressentir quelque frisson…

Pour les amateurs de littérature, voici quelques idées de lectures (à consommer idéalement au coin du feu par une nuit d’orage !) :

  • Henri James, le tour d’écrou
  • Oscar Wilde, le fantôme de Canterville
  • Herbert George Wells, l’homme invisible
  • Edith Wharton, le triomphe de la nuit

Pour terminer, un poème tout en silences et profondeurs nocturnes, évoquant selon moi le glissement d’un être vers des mondes éthérés :

« Des cieux surabondants d’étoiles prodiguées
Mettent leur faste au-dessus de l’affliction. Au lieu de pleurer
Dans les oreillers,
Lève tes yeux pleins de larmes. C’est ici déjà, à partir de ton visage
En pleurs,
De ton visage qui s’achève,
Que l’univers impérieux commence et se
Propage. Qui brisera,
Si c’est dans cette direction que tu te presses,
Le courant ? Personne. Sauf toi,
Si soudain tu te mettais à lutter contre l’orientation puissante
De ces astres vers toi. Respire.
Respire l’obscur de la terre et de nouveau
Lève les yeux ! De nouveau. Légère et sans visage
La profondeur d’en haut s’appuie sur toi. L’indifférent
Visage contenu dans la nuit prête au tien de l’espace. »

Rainer Maria Rilke, Poèmes à la nuit, 1913