Carnet de voyage : Brocéliande

Aujourd’hui, je vous propose un carnet de voyage de saison. Située à l’entrée de la Bretagne, la mythique forêt de Brocéliande est un joli séjour pour les amoureux des arbres. Idéale à contempler sous les lumières mordorées de l’automne !

Un arbre

Un arbre

Il m’a fallu une petite semaine pour la visiter, fin octobre 2017.

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C’est lundi que lisez-vous #12

De retour pour le rendez-vous littéraire du lundi organisé par le blog de Galleane. Le principe est simple :

« Il vous suffit chaque lundi de répondre à ces trois questions :
Qu’ai-je lu la semaine passée ?
Que suis-je en train de lire en ce moment ?
Que vais-je lire ensuite ? »

La semaine passée, j’ai terminé La Zone du dehors d’Alain Damasio, que j’ai chroniqué ici, et Les Lions d’Al-Rassan, de Guy Gavriel Kay.

Ce roman a été une jolie découverte : dans une Espagne fantasmée du temps des califes, plusieurs royaumes s’affrontent pour la conquête du territoire et/ou le triomphe de leur foi. Les manœuvres politiques sont subtilement distillées tout au long du roman et ce n’est qu’à la fin que tout s’accélère (un peu trop à mon goût).

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L’arbre et l’oiseau

Paul Klee, oiseau et forêt, 1920

Paul Klee, oiseau et forêt, 1920

« Un peuplier sous les étoiles
que peut-il.
et l’oiseau dans le peuplier
rêvant, la tête sous l’exil
tout proche et lointain de ses ailes,
que peuvent-ils tous les deux
dans leur alliance confuse
de feuillages et de plumes
pour gauchir la destinée.
Le silence les protège
et le cercle de l’oubli
jusqu’au moment où se lèvent
le soleil, les souvenirs.
Alors l’oiseau de son bec
coupe en lui le fil du songe
et l’arbre déroule l’ombre
qui va le garder tout le jour. »

Jules Supervielle, Tiges, extrait du recueil Gravitations suivi de Débarcadères (1925-1956)

Paul Klee, Jardin d'oiseaux, 1924, Munich, Pinakothek der Moderne

Paul Klee, Jardin d’oiseaux, 1924, Munich, Pinakothek der Moderne

L’heure du conte

La Labyrinthèque vous propose désormais son « heure du conte », petite chronique erratique pour soigner la morosité ambiante.

Les parents ne s’y trompent pas, le conte est un formidable vecteur d’éducation morale et culturelle. Mais pourquoi le conte serait-il cantonné au monde de l’enfance ? Il peut en effet apporter à tout âge sagesse, réjouissance, sérénité comme mélancolie…

Cette semaine, partons donc à la découverte des contes populaires du monde. Je vous propose, en abrégé, un conte rapporté par Reine Cioulachtjian dans ses Contes d’Arménie :

Le stupide :

Un pauvre paysan travaillait sans relâche pour pouvoir manger à sa faim, mais, en dépit de tous ses efforts, restait toujours pauvre. Découragé, il décide d’aller se plaindre de son sort à Dieu. Chemin faisant, il rencontre un loup famélique qui lui demande où il se rend.

– Je vais me plaindre à Dieu, répond le paysan, je suis trop pauvre et ce n’est pas juste.

– Peux tu aussi parler pour moi à Dieu ? Du matin au soir je cours les bois pour chercher ma nourriture, mais souvent sans succès. Pourquoi Dieu m’a-t-il créé si c’est pour me laisser mourir de faim ?

Le loup famélique de Merlin l'enchanteur - Studios Disney - 1963

Le loup famélique de Merlin l’enchanteur – Studios Disney – 1963

Le paysan promet de poser la question à Dieu et reprend son chemin. Plus tard, il rencontre une jolie jeune fille qui se lamente. Il lui explique son but et lui propose alors de transmettre une requête à Dieu.

– Je t’en prie, demande lui pourquoi une jeune fille douce, jolie et bonne comme moi reste seule, sans personne à qui parler jamais ? Le paysan promet de poser la question et poursuit sa route.

Camille Corot - Jeune femme tressant une couronne de fleurs - 1870 - Museum of Fine Arts, Boston

Camille Corot – Jeune femme tressant une couronne de fleurs – 1870 – Museum of Fine Arts, Boston

Enfin, il aperçoit un arbre tout rabougri auprès d’un petit ru. Ce dernier se lamente. Le paysan lui propose de porter un message pour lui à Dieu.

L’arbre lui demande d’expliquer son cas à Dieu :

– Je suis planté sur une terre fertile, mes racines sont abreuvées par l’eau du ruisseau, et pourtant je me dessèche. Personne ne s’arrête sous mon feuillage et aucun enfant ne vient jouer dans mes branches tant je suis ratatiné.

Caspar David Friedrich - L'arbre aux corbeaux - 1822 - Musée du Louvre

Caspar David Friedrich – L’arbre aux corbeaux – 1822 – Musée du Louvre

Le paysan se remet en marche et finit par arriver devant Dieu. Il lui expose son problème, et Dieu répond :

– Rentre chez toi, brave homme. A deux reprises, tu rencontreras ta chance. Saisis la et tu seras riche et heureux.

Avant de partir, le paysan expose les cas du loup, de la jeune fille et de l’arbre, et, pour chacun, Dieu lui donne des solutions.

Sur le chemin du retour, l’arbre demande au paysan s’il a des nouvelles pour lui.

– Dieu a dit qu’un coffre empli d’or était enterré sous tes racines et t’empêchait de croître. Qu’on enlève cet or et tu reverdiras, lui répond le paysan.

– Fantastique ! s’écrie l’arbre. Vite, creuse et prends l’or, nous serons heureux tous les deux.

– Non, je n’ai pas le temps, répond le paysan. Dieu m’a offert ma chance, il me faut rentrer chez moi et en profiter !

Il s’éloigne rapidement et arrive à la hauteur de la chaumière de la jeune fille.

– Qu’a dit Dieu pour moi ? s’enquiert-elle.

– Il a expliqué que pour trouver la joie et le bonheur, il te faut un compagnon avec qui tout partager.

Un grand espoir saisit la jeune fille qui prend les mains du paysan et lui déclare :

– Puisque c’est ainsi, épouse moi ! Nous serons heureux ensemble !

– Non non, répond le paysan. Dieu m’a donné ma chance, je n’ai pas le temps. Je dois rentrer chez moi et en profiter.

Il laisse la jeune fille mortifiée derrière lui et retourne chez lui. Avant d’arriver, il croise le loup, qui vient aux nouvelles.

Le paysan, un peu fatigué de ses longues pérégrinations, s’assoit sur le rocher et raconte toute son aventure au loup. Celui-ci en vient alors à demander :

– Et que t’a raconté Dieu à mon sujet ?

– Dieu pense que tu devras errer affamé jusqu’à ce que tu rencontres un imbécile qui assouvira ta faim.

Alors le loup ouvre grand la gueule en un sourire carnassier et dit :

– Où trouverais-je un plus grand imbécile que toi ?

Et il croqua le paysan.

  • Retrouvez ce conte en intégralité et bien d’autres dans : Contes d’Arménie. Reine Cioulachtjian, éditions Sutton, 2014.

L’obscur imaginaire de la forêt

La forêt est un lieu complexe, dont l’architecture de branches et de ronces tournoyant se propose comme un labyrinthe organique. La forêt est souvent dépeinte comme un lieu sombre, plein d’embûches. Image de notre propre désordre intérieur, elle recèle nos peurs et nos démons.

Ainsi, du dessin-animé à la peinture, en passant par le cinéma, les arbres aux branches noueuses et tordues évoquent, sinon deviennent, de véritables monstres.

Arthur Rackham, illustration pour The legend of Sleepy Hollow de Washington Irving, 1928

Arthur Rackham, illustration pour The legend of Sleepy Hollow de Washington Irving, 1928

Chez l’illustrateur Arthur Rackham, l’arbre de Sleepy Hollow n’a pas de forme clairement identifiée, cependant, ses circonvolutions, ses boursouflures et ses nœuds évoquent des corps sous-jacents. Dans l’adaptation qu’en tire Tim Burton (en s’inspirant fortement de Rackham), cet arbre terrifique recèle d’ailleurs des cadavres non digérés, pointant sous la surface raidie du bois…
Voir à ce titre l’excellente analyse d’Alice Vincens : L’arbre de la mort.

Illustration pour Blanche Neige, 1937

Illustration pour Blanche Neige, 1937

Les illustrations préparatoires au long métrage Blanche Neige de Walt Disney dépeignent quant à eux une forêt métamorphe et monstrueuse.

Forest layout, illustration pour Blanche Neige, 1937

Forest layout, illustration pour Blanche Neige, 1937

Branches, ronces, racines se meuvent comme de véritables griffes acérées pour faire obstacle à la jeune fille. L’hybridation de l’arbre n’est plus sous-entendue mais formellement établie.

Gustaf Tenggren, Dark forest scene, illustration pour Blanche Neige, 1937

Gustaf Tenggren, Dark forest scene, illustration pour Blanche Neige, 1937

La forêt est tortueuse mais aussi torturée, à l’image même de ceux qui la traversent. La forêt du petit Poucet est à ce titre inquiétante car le personnage y perd ses derniers repères. Abandonné, il se trouve seul face à lui-même. La forêt évoque alors le dédale de la pensée : celle-ci se perd puis se retrouve, elle se hante elle-même. En l’occurrence, pour Poucet, il s’agit de l’idée d’abandon qui l’effraie et le blesse.

Gustave Doré, Illustration pour Le Petit Poucet, 1867

Gustave Doré, Illustration pour Le Petit Poucet, 1867

La forêt recèle des profondeurs insondables. Son paysage très fouillé, encombré de taillis et de végétation folle, n’offre au voyageur qu’illusions et dissimulations. Ainsi sont représentées nombres de jungles, version plus sauvage s’il en est de la forêt, plus exotique aussi. La jungle est peut-être encore plus dangereuse, car plus vaste, plus dense, plus noire. Serpents venimeux, lianes assassines et autres fondrières s’y cachent. C’est la beauté de ce ténébreux péril que rend Gustave Doré dans son illustration de la forêt pour Atala.

Gustave Doré, illustration pour Atala de Chateaubriand, 1863

Gustave Doré, illustration pour Atala de Chateaubriand, 1863

Enfin, l’image d’une forêt torturée culmine dans les illustrations pour l’Enfer de Dante, de Gustave Doré à Jacques Deffontaine.

Jacques Deffontaine, Illustration pour l'Enfer de Dante, chant XIII, 1976

Jacques Deffontaine, Illustration pour l’Enfer de Dante, chant XIII, 1976

La forêt des damnés, un des épisodes racontés par Dante, fait ici fusionner chair et écorce, sang et sève. Les corps des suppliciés sont absorbés par les troncs, les bras deviennent de longues branches et les visages se solidifient dans les veines du bois.

Jacques Deffontaine, Figée,1976

Jacques Deffontaine, Figée,1976

L’imaginaire de la forêt comme lieu fantastique, tant fascinant que périlleux, est extrêmement nourri. D’autres évocations sont donc à venir…