Jackson Pollock, avec sa technique de l’action painting, n’est pas le seul peintre américain à avoir fait du geste et de l’action des éléments déterminants sa peinture. C’est aussi le cas du peintre Willem de Kooning (1904-1997).
De Kooning est très marqué par l’art de Picasso ; on retrouve ses figures molles et tombantes dans Abstraction. Des éléments structurants de la toile Grand nu au fauteuil rouge y sont d’ailleurs repris. Les visages violents, aux bouches ouvertes dentées, sont par ailleurs une caractéristique partagée des toiles de Picasso et De Kooning.
De nombreuses œuvres de De Kooning représentent des femmes, plus ou moins vêtues, en position frontale. Ces toiles monumentales font de la femme une figure monstrueuse. Femme carnassière, au maquillage mal posé et à la poitrine obscène. Elle n’a pas de front, donc pas de pensées. Parfois le visage disparaît totalement, seul le corps s’étale, à l’image de la peinture dont la texture est suintante. Lorsqu’il peint, De Kooning emploie une matière très huileuse, glissante, en bref, charnelle. Cette chair offerte, ou plus exactement ouverte, est à la fois le summum de la vulgarité dans son invite sexuelle, et le summum de l’immondice dans sa ressemblance avec une viande écartelée. The Visit prend ainsi la forme du Bœuf écorché de Rembrandt.
La violence qui transparaît dans les toiles de l’artiste provient aussi de leur procédé d’élaboration : De Kooning s’engage parfois dans de véritables corps-à-corps avec la peinture. Le brouillage des touches et des couleurs trahit une volonté de salir.
Au final, la peinture est ici un acte de sublimation, où les décharges d’énergie animale et la brutalité du sexuel deviennent œuvre.