Aujourd’hui, petit focus sur une œuvre de Pablo Picasso : Guernica.
Cette toile immense représente les bombardements du village de Guernica par l’aviation allemande alliée de Franco en 1937. L’œuvre est exposée au Pavillon Espagnol de l’exposition universelle de 1937 qui se tient à Paris.
Enchevêtrement de formes piétinées et hurlantes, de visages torturés, de figures animales, la toile de Picasso représente la mêlée confuse des innocents mis à mort. Ce thème n’est pas nouveau dans l’histoire de l’art et remonte à l’épisode biblique du massacre des innocents. A Bethléem, le roi Hérode fait ainsi massacrer tous les nouveaux-nés, craignant l’arrivée d’un nouveau roi des Juifs annoncée par un mage.
Picasso reprend de nombreuses formes et motifs des maîtres anciens et modernes. Par exemple, le visage de profil sortant d’un cadre en haut à droite de la toile rappelle celui de la femme saisie par ses cheveux dans Le Massacre des Innocents de Guido Reni. Tout à gauche, la femme tenant son enfant renversé est certainement inspirée de la mère tenant son enfant blessé dans le film d’Eisenstein Le Cuirassé Potemkine. Ce film raconte là encore un massacre d’innocents à Odessa, lors de la répression de la révolte de l’équipage d’un navire.
Il faut par ailleurs noter que cette représentation de l’enfant renversé est particulière : le nez de l’enfant « tombe », et l’on voit ses narines, point de vue très rare dans l’histoire de l’art. La mollesse du corps mort de l’enfant contraste avec le cri de douleur purement animal de la mère : elle montre ici les dents, encore une fois figuration rare en peinture.
Un taureau et un cheval se mêlent à la marée humaine de Guernica. Ces animaux ont un fort rôle symbolique chez Picasso : ils représentent la sexualité animale (masculine pour le taureau et plutôt féminine pour le cheval). Le peintre s’associe dans certaines œuvres au taureau en se portraiturant sous forme de minotaure. Le minotaure est un avatar de la brutalité enfouie de l’homme ; Picasso le représente comme un violeur monstrueux.
L’usage unique du noir et blanc dans Guernica n’est pas anodin. Les dégradés de gris rappellent les nuances de la fumée des bombardements. Le gris est aussi la couleur par excellence de l’entre-deux, quand toutes les autres couleurs s’affadissent pour disparaître. En effet, le meurtre d’innocents revient d’après Picasso à arracher la couleur de la toile de la vie.
Picasso reprend cette stratégie dans la toile Massacre en Corée, dont la disposition s’appuie cette fois sur le schéma du Tres de Mayo de Goya et de l’Exécution de Maximilien de Manet.
Par ailleurs, le gris semble figer la figuration. Une manière de symboliser que la violence transcende les temporalités.
Pour en savoir plus :
⇒ Un article détaillé sur Guernica du blog Trajets Littéraires
Merci pour tes explications car je dois avouer avoir souvent du mal à interpréter des tableaux…
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Je donne quelques clés de lecture, après tout est dans l’oeil du regardeur comme dirait Marcel Duchamp 🙂
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Je crains hélas que mon œil ne soit pas très affûté 🙂
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Je peux dire que c’est mon oeuvre picturale préférée. Le voir en vrai à Madrid fut un choc émotionnel violent.
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Je veux bien croire !
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