Aujourd’hui, partons sur les traces d’un peintre pionnier de l’expressionnisme abstrait américain : Hans Hofmann.
Né en Allemagne en 1880, il passe le début du 20ème siècle en France, où il s’imprègne des avant-gardes. Il sera ainsi marqué par le fauvisme d’un Braque ou d’un Matisse, l’abstraction de Kandinsky, ou encore l’orphisme représenté par les époux Delaunay. Ces grands courants ont en commun l’exaltation de la couleur, l’éclatement et la mobilité des formes dans l’espace pictural. Ces principes deviennent les charnières de l’œuvre de Hofmann.
A Paris, Hofmann fréquente Picasso, Braque, les Delaunay et Matisse. Ses œuvres de jeunesse sont tributaires de leurs influences, notamment les intérieurs inspirés des ateliers de Matisse ou de Picasso.
A partir de 1933, Hofmann émigre aux États-Unis. Se libérant peu à peu de l’empreinte du figuratif, Hofmann expérimente dans les années 1940 une conjonction de couleurs lumineuses et de formes fluides.
Il travaille par coulées et jets de peinture. Cette technique sera reprise et portée à son apogée par Jackson Pollock, sous le nom de « Dripping ».
Après les tournures fluctuantes, Hofmann passe dans la décennie suivante à des formes plus denses et structurées.
Ses superpositions de carrés influenceront peut-être Mark Rothko, qui fut son élève avec Lee Krasner ou encore Helen Frankenthaler.
Au-delà du cercle des élèves, la pâte du maître se retrouve aussi chez d’autres tenants de l’expressionnisme abstrait américain comme Joan Mitchell ou Willem De Kooning.
Mort en 1966, Hans Hofmann aura donc été un jalon central de l’expressionnisme coloré au 20ème siècle. S’il a influencé nombre de protagonistes de l’art abstrait américain, n’oublions pas qu’il a tout autant reçu, se nourrissant d’échanges constants avec ses contemporains.
En revanche, la conception artistique d’Hofmann a ceci de particulier qu’elle revendique la musicalité des gestes picturaux, plutôt que l’action dynamique (Pollock) voire violente (De Kooning), ou encore le flottement méditatif (Frankenthaler, Rothko…).
Tout au long de sa carrière, Hofmann parle en effet en termes musicaux de sa peinture : la couleur permet selon lui de créer des intervalles, des tensions harmoniques… Cette conception mélodique de la peinture est héritée des idées de Robert Delaunay mais bien plus encore de Frantisek Kupka. Ce dernier s’appuie en effet sur la « gamme » chromatique pour créer un champ/chant harmonique dans lequel entrent en résonance les formes. Des œuvres aux titres évocateurs tels que « Les touches de Piano » ou « Fugue » convoquent ainsi, par les accords de formes verticales ou sphériques, par la vibration des couleurs, le déroulement d’un concert. Ou quand l’abstraction visuelle transpose l’abstraction sonore.

Frantisek Kupka, Etude pour Amphora, Fugue à deux couleurs et Amorpha, Chromatique chaude, 1911-12, Guggenheim Museum, New York

Frantisek Kupka, Disques de Newton, Etude pour Fugue à deux couleurs, vers 1911, Philadelphia Museum of art
Cette même recherche d’accords subtils et de notes fugaces, fondus en un délicat équilibre, porte tout l’œuvre de Hans Hofmann.